Maître Christophe PETIT, avocat de la victime
Alain S., 59 ans, a tenté de tuer sa mère dans une maison de retraite de Juan-les-Pins. Pour hériter selon la victime. Pour la punir de l'avoir abandonné sept mois, selon l'accusé.
Un fils peut-il en vouloir à mort à sa mère d'avoir été confié, pour sept mois, à une nourrice alors qu'il était bébé ? Alain S., 59 ans, jugé depuis hier par la cour d'assises des Alpes-Maritimes pour tentative de meurtre aggravé, reste persuadé que cet épisode de sa prime enfance, lié à la mutation de son père au Gabon, est la cause de tous ses maux.
Ses études ratées en droit, en médecine, en psycho, ses filles qu'il a négligées, ses mariages calamiteux, la déconfiture de sa société de construction de bateau… tout cela est lié à « cette problématique d'abandon », comme il l'explique en termes choisis jeudi matin. Ses lavements pendant l'enfance ? Des agressions sexuelles, assurément.
ALERTÉ PAR LES CRIS
Le 19 juin 2015, Alain Solelhac rend visite à sa mère, Michèle, 80 ans. Elle réside dans le studio d'une maison de retraite de Juan-les-Pins.
Elle lui montre avec fierté son citronnier sur sa terrasse. Vers 19 h 30, il lui demande des explications sur le fonctionnement du lave-linge dans la salle de bain. Il la pousse dans le dos et la frappe à toute volée avec un maillet. Il se saisit d'une serviette pour tenter de l'étouffer.
L'octogénaire, le crâne ensanglanté, les mains fracturées en se protégeant, se débat, chute. L'intervention d'un retraité d'une chambre voisine, alerté par les cris, met un terme à la sauvage agression.
« ACHARNEMENT »
Alain S.e a été frappée « avec acharnement par un maillet en bois », selon le légiste.
Invité par le président Patrick Veron à s'expliquer, l'accusé, micro en main comme en prière, revient avec insistance sur son enfance, sur un abus sexuel à la sortie de son club de tennis… Un soliloque où l'accusé s'attarde sur des détails tout en évitant l'essentiel.
Le président Véron intervient : « J'attire votre attention : vous parlez énormément de votre enfance. Ce qui nous intéresse, ce sont les éléments qui nous permettent de savoir s'il y a oui ou non une intention homicide. » Me Michel Bourgeois, l'avocat de la défense, apprécie modérément.
Pull à col roulé noir, pantalon de treillis, cheveux courts poivre et sel, l'accusé, à l'apparence d'un homme ordinaire, précise, toujours aussi docte : « Je conteste formellement toute intention homicide. Il y a un premier élément que je voudrais soulever, c'est le facteur déclenchant. » Une photo du bonheur indécent de cette mère source de tous les maux, aurait été la goutte d'eau.
EXPERTISES DIVERGENTES
Au sujet de son crime, qui lui fait encourir la perpétuité, Alain S. ne se souvient de rien, ou presque. Les policiers d'Antibes l'ont appelé à son domicile du Grau-du-Roi.
Il paraissait très calme. En garde à vue et devant le juge d'instruction, il a invoqué son droit au silence. Devant les experts, il a été au contraire très prolixe. « Un flot de paroles qui a compliqué l'expertise », indique un psychologue. Pendant sa détention provisoire, il a continué d'inonder la justice de courriers. Un psychiatre n'a pas décelé chez lui de maladie. Un psychologue évoque au contraire « le délire de persécution », d'un homme dangereux qui mériterait un traitement psychiatrique.
Le président Véron se tourne vers la victime pour tenter de trouver une explication : « Je me suis posé beaucoup de questions, répond, pudique, la retraitée. Comment comprendre l'incompréhensible ? Mon cœur de mère a beaucoup souffert de ce drame, un drame pour lui mais un drame pour moi. J'ai eu du mal à accepter qu'il cherche à me tuer pour de l'argent. On l'avait déjà beaucoup dépanné. Là, je pense qu'il voulait tout. »
L'accusé chercherait-il à masquer un acte crapuleux derrière un discours psychanalytique plus présentable? Les jurés ont encore une journée pour se forger une intime conviction.
Article paru dans Nice Matin par Christophe Perrin 15/09/2017
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